Les années d’après Seconde Guerre mondiale sont celles, dans le monde entier, d’un renouveau du cinéma militant et des idéologies. Cette période signe, dans les anciens empires coloniaux, le début d’une longue période de lutte pour l’indépendance, qui séduira de nombreux militants politiques dans le monde entier. En réponse à la réalité d’un monde bipolarisé par la guerre froide, l’engagement internationaliste d’une certaine jeunesse, écoeurée par l’impérialisme, marque les premiers mouvements de solidarité transnationale. En Algérie, devenue Mecque des révolutionnaires après l’indépendance du pays, et en Palestine, symbole par excellence de la résistance comme l’était ailleurs le Vietnam, une génération de cinéastes militants traverse mers et continents pour faire des images au service de la lutte.
Les films des Français René Vautier et Cécile Decugis en Algérie, ou ceux de l’Allemande Monica Maurer au Liban pour la Palestine, répondent ainsi aux combats quotidiens que d’autres cinéastes, sur place, documentent dans la région. Fortes de cette volonté de témoigner et de dénoncer, ces années de bouleversements politique et esthétique marquent l’émergence des femmes derrière les caméras dans les pays arabes. Sophie Ferchiou, élève de Jean Rouch, propose ses propres images d’ethnographe en Tunisie à partir de 1967 ; Atteyat Al-Abnoudi, « mère du documentaire » égyptien, filme la réalité de la ruralité égyptienne dès 1971 ; Nabiha Lotfy, libanaise étudiante en cinéma au Caire, rentre au Liban en 1976 pour documenter le massacre du camp palestinien de Tal Al-Zaatar pendant la guerre civile libanaise. Plus tard, réfléchissant au pouvoir des images et à la mémoire de son pays, l’écrivaine algérienne Assia Djebar réalise La Zerda ou les chants de l’oubli (1982). Ces films, pionniers, ont une valeur historique tant pour leur potentiel archivistique que pour leur intérêt esthétique.
Toutes ces images proposent une autre histoire de la région : une histoire marquée par les luttes des peuples. Elles nous amènent à nous questionner sur les images produites par les instances officielles en France dans les mêmes années, et diffusées à des fins d’éducation dans des cadres scolaires ou extra-scolaires, et que nous discutons à leur tour. Elles nous amènent aussi à questionner leur nécessaire sauvegarde et diffusion, pour continuer à écrire l’histoire du cinéma arabe, encore trop mal documentée.
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Mathilde Rouxel, programmation